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Pour un compromis carré

13 octobre 2006

RACHAD ARMANIOS Paru le Jeudi 12 Octobre 2006 .

RACHAD ARMANIOS

Paru le Jeudi 12 Octobre 2006

.

Pour tout croyant, même celui qui déserte les lieux de culte toute l''année, le passage dans l''au-delà est une étape cruciale, au même titre qu''un baptême ou un mariage. Or, au nom de la laïcité, Genève ne garantit pas à ses résidents juifs et musulmans d''être inhumés selon leurs rites funéraires (notamment la perpétuité des tombes ou leur orientation particulière). La loi genevoise sur les cimetières stipule qu''ils doivent être strictement laïcs et publics. Vieille de 130 ans, cette loi joue son avenir ce soir au Grand Conseil. Deux valeurs s''y affronteront. D''une part, la liberté de conscience, protégée par la Constitution fédérale, et que viole la situation actuelle (selon des avis de droits d''éminents juristes). D''autre part, l''égalité des morts. Pour conjuguer au mieux –ou le moins mal...– ces principes légitimes et respectables, un compromis pragmatique peut être trouvé. Celui des carrés confessionnels, gérés par l''autorité municipale, au sein des cimetières publics.

Même si l''on rêve d''une société où, dans la vie comme dans la mort, les religions ne seraient pas des barrières, il faut bien admettre que la loi genevoise manque son but: de facto, dans la région genevoise, des juifs ont toujours été enterrés à part. Dans le cimetière privé de Carouge, puis à Veyrier. Bientôt plein, ce cimetière juif est un bel exemple d''échec d''intégration et d''hypocrisie puisque, si son entrée est en Suisse, les tombes sont sur sol français. Pire, cette loi pousse en principe les musulmans pieux à choisir à l''étranger leur dernière demeure. Sous l''impulsion d''un radical, Guy-Olivier Segond, une alternative leur a été offerte. Exception à la règle, le carré musulman du Petit-Saconnex a été créé en 1979, mais sera lui aussi bientôt saturé. Plus lucide que ses coreligionnaires du Parti radical, ce magistrat s''est gardé d''ériger le principe laïc en une sorte de Verbe sacré, intouchable et exclusif. Avec le carré du Petit-Saconnex, Guy-Olivier Segond a montré la voie à suivre.

Des carrés confessionnels sans murs, haies, ou portes permettraient dans une certaine mesure aux diverses religions de se côtoyer encore. En revanche, autoriser des cimetières confessionnels, alors que les religions ont tendance aujourd''hui à se replier sur elles-mêmes, serait un mauvais signal.

Privés, ces cimetières, malgré des garde-fous, risqueraient d''échapper au contrôle de l''Etat. Unies aujourd''hui derrière un projet de règlement de cimetières, qui dit que les communautés juives du canton ne se bagarreront pas demain? Gérer l''au-delà d''une communauté donne un grand pouvoir sur cette dernière. Ce pouvoir doit rester dans les mains de l''Etat démocratique, seul légitimé à garantir l''égalité des morts au cas où, par exemple, des discriminations financières ou confessionnelles surgiraient.

Le projet soumis aux députés prévoit à la fois des carrés et des cimetières confessionnels. D''accord pour les premiers. Quant aux seconds, ils ne sont pas souhaitables. Le statu quo non plus. Le projet de loi doit donc être recalibré.

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Pour un compromis carré
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